YAPAD'MAL #2 - De l'alimentation c(r)ulpabilisée

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Cet article est le deuxième épisode de la série autobiographique "YAPAD'MAL". Retrouvez le premier épisode ici : https://www.helenejdmhre.com/blog/yapad-mal-1

Version écrite

"Toi, de toute façon, tu as toujours eu un rapport difficile avec la nourriture", est la seule réponse que ma mère me donnait lorsque je la questionnais sur ma petite enfance, en rapport à l'alimentation. Oh, elle avait bien un épisode qui lui était resté en tête, comme un traumatisme auquel elle faisait référence à chaque fois, à savoir :

la petite Hélène qui vient de naître, qui commence à têter un, deux jours, et à qui on présente un biberon d'un coup parce que sa maman ne peut plus l'allaiter. Crevasses, douleurs insoutenables. Quand j'y pense, maintenant que je suis moi-même maman, ça a dû être ça le vrai traumatisme - ne pas se sentir capable de nourrir son enfant en tant que mère.

Et voilà le nouveau-né qui refuse catégoriquement de prendre le biberon présenté, pendant plus de 24 heures. Ce qui inquiète évidemment mes parents, qui voient mon poids chuter et ma détermination sans faille à demander le sein de ma maman. Au bord du désespoir, juste avant de me ramener à l'hôpital pour que le corps médical me prenne en charge, ma mère a une idée. Elle se pose devant moi, yeux dans les yeux, et m'explique qu'elle ne peut pas assurer mon allaitement, qu'il faut que je prenne ce biberon, sinon je vais mourir. Et GLOUP ! J'avale mon biberon. Soulagés de me voir ainsi manger, mes parents se sentirent plus légers.

 

Par la suite, j'ai mangé de tout avec entrain et surtout des fruits, que j'appréciais colorés et juteux à souhait. Les fruits m'ont toujours soutenue, surtout après mon accouchement, où je refusais de manger la nourriture insipide de l'hôpital. Pendant 3 jours, je ne me suis nourrie que de mangues, d'oranges, de dattes etc... Avec amour et gourmandise.

 

Une fois le domicile de mes parents quitté, vers l'âge de 18 ans, seule en métropole et entamant des études de communication et marketing à Lille, je me nourris comme je l'avais vu et fait jusque-là chez eux, la liberté d'acheter ma propre nourriture en plus : goûlument, sans conscience, devant l'écran.

 

C'est pendant ma première relation amoureuse et pendant que je me nourrissais aussi bêtement (dans le sens de ne pas prendre la mesure des conséquences de ces actes sur ma psyché, mon physique), que j'ai sombré dans un véritable cauchemar. J'ai commencé à déprimer sérieusement, et à entendre des incitations intérieures à la colère, à la rage, à la culpabilité. La première fois que je me rends compte d'une telle lutte intérieure, c'était quand je maniais un grand couteau pour me couper de la nourriture, et que mon regard saute de mon petit copain de l'époque (que je détestais, et je me détestais de rester avec lui), à mon plexus solaire. Ma tête balançait entre le planter lui ou moi. Le dialogue ressemblait un peu au même que Golum dans le Seigneur des Anneaux.

- "Non, je ne peux pas faire ça"

- "Mais si, regarde, il suffit d'une petite impulsion..."

Je finissais par me sentir coupable et à retourner la pointe du couteau contre ma poitrine, sans oser aller au bout de mon acte.

 

Je me disais que ce n'était pas normal, mais je n'avais pas la volonté d'y changer quoi que ce soit réellement. Je me sentais condamnée dans ma relation, à ce déséquilibre, balançant entre rage et culpabilité. Je me complaisais dedans.

 

J'ai fini par quitter cette relation au bout de trois ans, pour me replonger dans une autre, à cheval, car j'avais peur d'être seule à l'époque. Je cherchais désespérement à être validée. Validée aux yeux de mes parents en faisant des études qui me rapporteraient de l'argent. Validée aux yeux des hommes en général parce que ça me flattait de voir dans leurs yeux le désir pour mon corps. Je ne me voyais que par le biais de leurs regards. Validée enfin par la société, avoir une vie "normale", en couple, avec un bon boulot, le mariage, la maison, les enfants, les animaux. Ce modèle de société vers lequel une force me poussait, et qui me frustrait au plus haut point (mais je ne m'en rendais pas compte à l'époque. Je rejetais toujours la faute à l'extérieur. Je disais : "je veux sortir de ce système").

 

Paradoxalement (et je le comprends de mieux en mieux aujourd'hui, mais c'était loin d'être le cas avant), je me sentais différente. J'avais une lumière que d'autres n'avaient pas. Souvent, je voyais l'admiration briller dans les yeux de mes interlocuteurs. Ils admiraient autre chose que je ne savais pas que j'avais. Ils sentaient que j'étais autre chose que ce dans quoi je m'étriquais.

 

Cette période pendant laquelle je suis partie de la relation "toxique" (je l'étais tout autant pour moi-même), j'en ai profité pour changer radicalement ma consommation de nourriture. Au début, j'ai juste ajouté plus de verdures, je me suis mise à cuisiner. Plus tard, je suis devenue végétarienne. D'abord pour des raisons de santé, car 3 ans de malbouffe, de mésestime de moi-même et d'actes sexuels violents, m'ont amenée à développer des bactéries et champignons de toutes sortes dans la sphère génitale. Par rejet de l'autre. Pour me nettoyer de toutes ces agressions physiques et psychologiques surtout. On peut dire que prendre conscience de ce que je mettais en moi m'a réparé le corps en partie.

 

Tous ces changements étaient sous-tendus par un sentiment très prégnant de lutte intérieure. Je voyais une brochette de viande et j'étais alléchée, mais je ne me permettais pas de la manger. Ou si je le faisais, je culpabilisais après. J'ai commencé à développer une paranoïa. Cela coïncide avec ma période d'activisme ("Amazon, c'est le mal !" anti-système ("ILS nous mènent droit au mur, si je ne réagis pas, le monde basculera") et complotiste ("ILS nous prennent pour du bétail, je leur sers de garde-manger, et je ne peux rien faire contre ça, je peux juste me gaver de mauvaises nouvelles et me sentir impuissante"). J'étais en proie à des bouleversements émotionnels récurrents, je me sentais comme une éponge, je ne pouvais faire la part de ce qui m'appartenait et ce qui appartenait aux autres. Je subissais encore le monde dans lequel j'étais. Sans pouvoir dire un mot.

 

Après le végétarisme, je suis devenue vegan. Pour la "bonne cause". Surtout parce que je me sentais coupable d'être humaine. D'être responsable de tous ces drames écologiques et animaux. D'être un virus qui ne méritait qu'une chose : de mourir pour que la planète puisse vivre ! J'étais dans une idéologie, une oeillère. Tous les arguments pour pouvaient être contrebalancés et vice versa. J'étais imbuvable pour mes proches. Je n'arrêtais pas de leur râbacher tout ce que je lisais qui me terrifiait. J'étais déboussolée, et je voulais que le monde entier se sente comme moi !

Je continue ma quête de vérité. Evidemment, à l'époque pour moi, la vérité, il n'y en a qu'une, et c'est moi qui la détiens. J'ai pris de mon père pour ça. Ce sentiment de superiorité intellectuelle, le fait de toujours vouloir avoir raison, de ne pas lâcher son point de vue. De brutaliser la pensée des autres. Aujourd'hui j'en fais bon usage, un usage juste et qui sert ma vibration à moi (et plus celle de l'interférence qui la détournait). J'affirme haut et fort : je suis puissante. Je m'aime. Peu importe ce qui se passe autour, je sais qui je suis.

 

Et donc je tombe sur le cru. La naturopathie hygiéniste. Thierry Casasnovas, Irène Grosjean et confrères. Je me suis dit que c'était LA vérité. Je me mets à consommer des jus, à manger cru. Je n'y arrive pas, je me culpabilise encore plus. Je lis tout et son contraire. Je suis désorientée. Vraiment, ce que je veux que vous compreniez de tout ça, c'est que ce chemin, je l'ai fait parce que je me sentais perdue. J'aurais pu tomber sur d'autres méthodes, d'autres pratiques, ça ne change rien à ma vibration de l'époque : c'est moi qui me dirige vers un sentiment de culpabilité croissant, vers un abîme de basses fréquences. Je crée tout ça. Il y a des gens qui mangent cru et qui sont heureux avec ça. Des vegan qui sont heureux de l'être et ne ressentent pas cette lutte.

Moi je mourais intérieurement, un peu plus chaque jour. Je m'adaptais à tout ce que je pouvais lire sur les sujets alimentaires. Je me faisais un point d'honneur à "bien faire caca". Des crottes de chèvre, inodorantes et bien moulées, qui ne laissent pas de traces. Si ce n'était pas ça, je rageais contre moi-même, je recherchais quel était l'aliment, "l'erreur" que j'avais faite.

Comprenez que ce n'est qu'une conséquence. Et la cause, je l'ai recherchée. J'ai cherché du côté de la médecine conventionnelle qui n'avait que des antibio à me prescrire, de la naturopathie, de l'énergétique, de l'alimentation, de la symbolique...

Mais je passais à côté du plus important : de moi. Parce que je rejetais encore et toujours la faute sur quelque chose d'extérieur à moi. Je n'avais pas compris que ce que je vibre, je le crée. Et que vibrais-je ? De l'impuissance. De la culpabilité. Du manque d'amour. Du désespoir. De la lutte. De la rage.

C'est comme si j'avais pris une massue pour essayer de faire de la dentelle.

 

Je n'avais pas conscience d'être quelqu'un d'important.

 

Pour moi.

 

YAPADAML#1 OU YAPADMAL #3 (à venir)